Le texte, les autres et soi-même.

Conseils pour les élèves du Lycée Maria Assumpta de Laeken, pour « être au top le jour des représentations ».
Mais que ça aide tous les autres aussi…

LE TEXTE

Connais ton texte. C’est le plus important, c’est le squelette auquel tu donneras la vie. Alors, apprends-le et apprends-le encore. Il n’y a aucune recette miracle, apprendre un texte c’est facile, mais c’est long dis-le-toi maintenant, c’est long. Alors ne cherche pas à arriver en haut de la montagne tout de suite. Ne cherche pas à apprendre toute la pièce si tu bégayes dès la première réplique. Fixe-toi des objectifs gratifiants. Une page, une demi-page à la fois et si à ce moment tu as plus d’énergie, passe à la suivante, sinon fais une pause et reviens-y patiemment plus tard. Tu dois connaître le texte sur le bout des 5 doigts, comme les 5 sens. Il est visuel, quand tu adaptes ton rythme parce que tu vois si la réplique est courte ou longue.

Il est tactile, quand tu serres une main pour dire la réplique suivante. Il se mange, quand tu te nourris de l’émotion nécessaire pour bien jouer. Il est olfactif quand tu portes pour la première fois le costume aux parfums nouveaux. Et il est sonore, car tu devras l’apprendre en parlant fort, pour t’entendre vraiment tel que tu es, pour t’habituer à toi-même, d’une certaine façon. Tu as le droit à toutes les méthodes pourvu qu’elles t’aident à travailler. Seul ; avec un dictaphone ; avec un ami ; avec un texte à trou ; en criant sur un terrain de football ou sur la plage ; le soir ; le matin. Tu as le choix. Il n’y a qu’une seule règle, regarder le texte sur le papier de moins en moins souvent. Une fois le texte maîtrisé, tu devras faire avec les autres.

LES AUTRES

Les autres sont importants, car ils sont les affluents de ta source d’énergie. Associer des énergies les rend plus fortes, elles sont des soutiens appréciables en cas de doute et de fatigue. Mais tu es aussi un affluent pour la source des autres. Alors, soigne tout le monde par la bienveillance et la politesse, car toute entreprise commence par un bonjour et un sourire. Ne fixe pas de hiérarchie dans les fonctions de tes camarades. Le comédien n’est pas au-dessus de l’accessoiriste, qui lui-même n’est pas meilleur ou pire que le metteur en scène, ou la placeuse. Construis un temple sacré avec tous, apprends sans jalouser de celui que tu admires. Reste modeste si ton ego s’est laissé flatter par un succès, partage-le avec le timide et le nouveau. Nous avons tous des faiblesses et nous sommes tous le maître de quelqu’un. Souviens-toi de cela quand tu auras l’audace de vouloir faire partie d’une troupe de théâtre.

ET SOI-MÊME

C’est ainsi que dans cette œuvre commune, tu sauras te retrouver. Tu seras un peu différent, juste un peu plus beau (belle) et un peu plus fort(e), parce que tu auras partagé avec tout le monde. En commençant par moi, l’auteur. Je n’étais pas plus rassuré que toi quand il a fallu que je fasse attention à écrire du mieux possible. Ensuite, il y a les autres qui t’ont soutenu quand tu les soutenais. Ceux-là mêmes avec qui tu aurais voulu te battre dans les moments d’épuisement. Mais vois que le projet se dessine déjà. C’est à ce moment que tu devras penser à toi. Quels sont tes besoins et tes désirs avant de monter sur scène ? Un moment de calme ? Un verre de jus d’orange ? Relire ton texte ou bien l’avoir avec toi sans l’ouvrir ? Aller voir la salle se remplir ou au contraire ne rien savoir du public ? Ou peut-être simplement rire avec les amis de la troupe ? Qu’importe, encore une fois tu as le choix, mais à ce moment-là, juste avant de jouer, penses à toi.

À quoi cela sert-il ? Mais à une seule chose, finalement : respecter le public. Car tu feras tout pour lui. Avant et pendant le spectacle. Mais le « après » c’est le public qui le décide, par ses applaudissements.

Je vais te laisser là, car je viens d’accomplir ma part du travail, et toi tu as un beau et long chemin devant toi.
Amitiés et théâtralement vôtre,
Tours, Le 25 mars 2014

Philippe Caure.